LES ANNéES SOMBRES ET LE QUATRIèME TOURNANT
Dans un monde éphémère, peu de choses survivent. Je ne parle pas des espèces ou des êtres humains dont l’existence sur terre est également temporaire. Je fais plutôt référence aux systèmes sociaux et financiers qui touchent maintenant à leur fin.
En juillet 2009, j’ai écrit un article intitulé “Les années sombres sont là”, qui a été publié une seconde fois en septembre 2018.
Voici un extrait de mon article original :
“Les années sombres seront extrêmement difficiles, financièrement et socialement. De nombreux pays occidentaux seront frappés par une sévère dépression qui marquera la fin de l’État-providence. La plupart des régimes de retraite privés et publics risquent aussi de disparaître. Ce sera une dépression mondiale, mais certains pays ne connaîtront qu’une profonde récession. Il y aura de la famine, des sans-abri et de la misère, ce qui déclenchera des troubles sociaux et politiques. De nouveaux dirigeants et régimes gouvernementaux sont susceptibles d’en profiter pour émerger.
Combien de temps dureront les années sombres ? Il y a un livre intitulé “Le Quatrième Tournant”, écrit par Neil Howe. Il a identifié une tendance qui se répète tous les 80 ans. Le modèle a été extrêmement précis dans le monde anglophile. Nous sommes récemment entrés dans le “Quatrième Tournant”, qui représente les vingt dernières années du cycle. Selon Howe, nous sommes aux premiers stades d’une période de vingt ans de bouleversements économiques et institutionnels. Une période de crise où le tissu-même de la société changera radicalement. Les “quatre tournants” précédents furent la Révolution américaine, la Grande Dépression et la Deuxième Guerre mondiale. Selon Howe, cette crise sera plus grave et durera environ une vingtaine d’années.
Cela n’augure rien de bon. Nous espérons nous tromper sur la gravité et la durée de cette crise. Mais je crains que nous ayons raison tous les deux. Il faut souligner que le monde ne s’est jamais retrouvé en récession et dans un état aussi fragile, financièrement et économiquement; c’est pourquoi ces années sombres devraient être si dévastatrices et longues.”
LE DÉCLIN INÉVITABLE DE LA SOCIÉTÉ
Le livre de Neil Howe, The Fourth Turning (Le Quatrième Tournant), venait d’être publié lorsque j’ai écrit l’article. Il a connu un grand succès depuis. Nous sommes dans les huit dernières années de son cycle de 20 ans et la partie la plus dramatique du cycle vient de commencer : le Quatrième Tournant.
Dans mon article de 2009, je pensais que la récession allait frapper plus rapidement. Même si je me suis légèrement trompé sur le timing, cela ne change rien à la chute inévitable de l’ensemble du tissu social dans les prochaines années, qu’il soit commercial, financier ou social.
Depuis 2009, la dette mondiale a doublé pour atteindre 280 000 milliards $ et le risque a augmenté de manière exponentielle. La phase finale de l’effondrement a débuté en août 2019, lorsque les banques centrales ont paniqué et se sont lancées dans une impression massive de monnaie pour faire face aux problèmes majeurs dans le système financier.
LE CORONAVIRUS – LE CATALYSEUR
Comme je l’ai déjà dit, le coronavirus, qui est apparu au début de l’année 2020, n’est pas la cause du ralentissement actuel de l’économie mondiale. Il n’a été qu’un catalyseur. Lorsque les cycles sont sur le point de fortement s’accélérer, le déclencheur semble toujours être le pire possible. J’ai souvent évoqué la maladie comme potentiel catalyseur, mais je ne m’attendais pas à ce que cela arrive maintenant et provoque un blocage total des pans de l’économie et de la société dans tant de pays.
Lorsqu’on approche de la fin d’une ère ou d’un cycle financier, il est très difficile de prévoir l’issue exacte. Très peu de gens réalisent que nous vivons sur du temps emprunté. Nous sommes à la fin d’un cycle majeur. Que cela prenne huit ans comme le prévoit Howe ou que ça aille beaucoup plus vite, cela n’a aucune importance.
CEUX QUI NE SONT PAS PRÉPARÉS POURRAIENT TOUT PERDRE
Le risque est là et si vous ne vous y préparez pas, vous pourrez non seulement perdre votre richesse, mais aussi votre emploi, votre retraite ou votre sécurité sociale, en fonction de votre situation. Si vous vivez dans une ville, vous risquez également d’être touché par les troubles sociaux et la criminalité, ainsi que par une défaillance des services tels que les soins médicaux, la scolarité, l’ordre public, etc.
De nombreuses personnes tentent aujourd’hui de fuir les villes en raison du coronavirus, de la fermeture des bureaux et des magasins, ainsi que de l’augmentation du taux de criminalité. Pour la minorité riche, ce n’est pas vraiment un problème, mais pour les citoyens ordinaires, il n’est pas évident de déménager. Toutefois, le travail à domicile va devenir beaucoup plus répandu et de nombreuses villes vont se transformer en villes fantômes. Les recettes fiscales diminueront considérablement et les autorités ne seront pas en mesure de maintenir des services basiques comme la distribution d’eau, l’assainissement ou le nettoyage. Par ailleurs, de nombreux points de vente au détail, restaurants et bureaux vont fermer face au manque de clients, de la criminalité et des achats en ligne. C’est déjà la tendance dans de nombreuses villes. Il y a actuellement très peu de personnes qui travaillent à la City, le cœur financier de Londres. Les rares magasins ou restaurants qui sont ouverts souffrent d’une véritable hémorragie financière.
LE DELUGE POURRAIT ARRIVER PLUS TÔT
Pour en revenir aux huit années restantes du Quatrième Tournant de Howe, il s’agit évidemment d’un chiffre approximatif et non absolu : je pense qu’il faudra 8 ans, voire moins, pour que l’édifice artificiel ne s’effondre.
Ce que j’entends par édifice artificiel, c’est d’abord tous les faux actifs créés par la prodigalité délibérée des banques centrales. Depuis la création de la Fed en 1913, les banquiers ont pris le contrôle total du système monétaire. À partir de 1971, lorsque Nixon a fermé la fenêtre de l’or, les banquiers (centraux) ont pu jouir d’une liberté totale. Ils ont pu créer des quantités illimitées de monnaie pour leur propre bénéfice. Se tenir à proximité de la planche à billets est un avantage majeur lorsqu’on imprime de la monnaie. Le président du Zimbabwe, Mugabe, l’a bien compris. En étant au plus près de l’argent imprimé, il a pu le dépenser ou acheter des dollars avant que la valeur de la monnaie papier ne s’effondre.
LA MONNAIE IMPRIMÉE NE PROFITE PAS AUX GENS ORDINAIRES
Depuis le début de la dernière crise en août 2019, la Fed a imprimé 3 300 milliards $, dont la majorité à partir de mars 2020. Très peu de cet argent a bénéficié aux citoyens ordinaires. Si cela avait été le cas, le montant de la contribution versée à chacun des 130 millions de ménages américains aurait été de 25 000 $. Même si cet argent est fondamentalement sans valeur, il aurait pu avoir un effet bénéfique à court terme sur l’ensemble de l’économie.
Mais non, l’impression monétaire n’est pas pour les citoyens ordinaires. Elle est destinée aux banquiers et aux riches. Elle ajoute du carburant ou des liquidités à des marchés d’actifs déjà massivement surévalués plutôt que de profiter à ceux qui en ont vraiment besoin. C’est pourquoi le Nasdaq et le Dow Jones ont respectivement gagné 62% et 52% depuis fin mars.
LE DOW ET L’OR À 50 000 $ ?
Dans un récent article, je disais que nous pourrions assister à un bond en avant des actions, alimenté par les liquidités, faisant doubler le Dow Jones pour le porter à 50 000 $. Puisque je m’attends à ce que le ratio Dow/Or atteigne 1:1 ou en dessous (comme en 1980 avec le Dow et l’or à 850 $), l’once d’or pourrait en même temps atteindre les 50 000 $ avec l’augmentation de l’inflation. Comme les actions sont surachetées et surévaluées, il n’y a aucune raison fondamentale ou même technique pour que cela se produise. Mais étant donné que les marchés actuels ne se basent ni sur des fondamentaux, ni sur des principes de valorisation sains, mais uniquement sur la liquidité, ce genre de mouvement n’est pas impossible.
Il me semble trés risqué de rester pleinement investi dans les actions. Cela revient à acheter le Nasdaq en 1999 pour prendre part à la hausse finale, avant de finir par essuyer une perte de 80%.
Mieux vaut détenir de l’or, qui fondamentalement et techniquement, se trouve encore au début d’une tendance haussière à long terme, généreusement alimentée au quotidien par l’impression de monnaie des banques centrale. Si les 50 000 $ pour le Dow et l’or étaient atteint, cela voudrait dire que le Dow aura doublé et l’or aura vu sa valeur multipliée par 25, ce qui est clairement un bien meilleur pari.
LES ÉTATS-UNIS SONT EN FAILLITE
Regardons les choses en face, les États-Unis sont en faillite. Aucun pays, entreprise ou particulier ne pourrait perdre de l’argent chaque année pendant 90 ans et être encore debout (voir mon article). Normalement, la monnaie d’un tel pays aurait dû sombrer dans l’oubli. Le dollar a presque disparu puisqu’il a chuté de 98% en termes réels, c’est-à-dire par rapport au prix de l’or, depuis 1971 et de 85% depuis 2000. La seule raison pour laquelle le dollar n’a pas encore totalement disparu est le Pétrodollar. Une grande partie des actifs en dollars sont conservés hors des États-Unis en raison de la liquidité en dollars créée par le pétrodollar.
Le Pétrodollar a été créé au début des années 1970 par Nixon et le secrétaire d’État de l’époque, Henry Kissinger. Ils craignaient qu’après la fermeture de la fenêtre de l’or, le rôle de monnaie de réserve du dollar ne diminue considérablement. Pour sauver le dollar, l’Arabie saoudite s’est vu offrir une protection militaire totale par les États-Unis à la condition que tout le commerce du pétrole soit effectué en dollars. L’Arabie saoudite s’engageait également acheter des équipements militaires aux Américains.
LA CHUTE IMMINENTE DU DOLLAR
C’est un arrangement très astucieux et la seule raison pour laquelle le dollar est encore debout. Mais la combinaison d’une situation financière qui se détériore rapidement et de pays comme la Chine, la Russie et l’Iran qui négocient progressivement dans leur propre monnaie, va précipiter la chute du dollar.
Comparer les monnaies entre elles est un exercice futile, puisqu’elles se dirigent toutes vers le ZÉRO. Il semble cependant que le dollar touchera le fond avant les autres. En ayant déjà perdu 98% de sa valeur au cours des 50 dernières années, les 2% restants ne prendront pas si longtemps. Mais n’oubliez pas que ces 2% signifient une chute de 100% à partir du niveau actuel.
De nombreuses personnes sont pessimistes à l’égard de l’euro en raison des problèmes majeurs que connaît l’UE. Il est vrai que l’euro est aussi une monnaie très faible et artificielle. L’euro a pratiquement la même valeur en dollars que lors de son lancement au 1er janvier 1999. Mais à l’heure actuelle, malgré ses problèmes, il semble techniquement plus fort que le dollar.
La chute du dollar au cours des prochaines années est pratiquement garantie et agira comme un détonateur qui fera exploser l’économie américaine.
Au cours des deux ou trois prochaines années, nous assisterons également à l’effondrement des marchés de la dette aux États-Unis et dans le monde. Une grande partie de la dette est constituée de monnaie imprimée sans réels actifs sous-jacents. Les actifs massivement surévalués sont adossés à une dette qui deviendra totalement sans valeur puisqu’elle repose uniquement sur de la monnaie fabriquée, émise par une planche à billets ou un ordinateur. Lorsque des dizaines de milliers de milliards de dollars sont créés sans qu’aucun travail, bien ou service n’ait été produit, cet argent a clairement une valeur ZÉRO.
LES TAUX D’INTÉRÊT VONT AUGMENTER FORTEMENT
Nous n’aurons pas des taux zéro permanents comme le disent la FED et Ray Dalio. Avant la fin de la méga crise qui se profile, nous assisterons à l’effondrement du système monétaire, comme je l’ai évoqué plus haut. Mais aussi à l’effondrement des marchés du crédit, y compris des obligations. La manipulation des taux échouera totalement. Les banques centrales essaieront de maintenir les taux courts à un niveau bas mais perdront le contrôle des taux longs. Lorsque les gouvernements et les entreprises insolvables commenceront à faire défaut, les investisseurs, y compris les fonds souverains, se débarrasseront de leurs obligations.
Les prix des obligations vont s’effondrer et les taux retrouveront au minimum leurs niveaux des années 70 et du début des années 80, soit 15-20%. La combinaison de l’hyperinflation et des défauts des emprunteurs fera que de nombreuses obligations tomberont à zéro et que les taux monteront à l’infini. Lorsque les taux longs augmenteront, ils tireront les taux courts vers le haut, indépendamment des tentatives des banques centrales pour les maintenir à un niveau bas. Cela entraînera la disparition du marché obligataire. Il est évident que les banques centrales imprimeront frénétiquement des milliers de milliards, voire des quadrillions, alors que les produits dérivés disparaîtront dans un trou noir. Mais cela ne servira à rien si ce n’est à provoquer la panique et l’hyperinflation.
PAS DE TEMPS POUR L’ÉGOCENTRISME
L’heure n’est donc pas à l’égocentrisme ou pour les investisseurs de se réjouir de leurs gains boursiers. Le monde est entré dans une phase jamais vue depuis des centaines d’années, voir même 2 000 ans. Certes, les actions pourraient s’envoler avant l’effondrement total, mais si c’est le cas, cela s’accompagnera très probablement d’un affaiblissement du dollar.
NE MESUREZ PAS VOTRE RICHESSE EN MONNAIES FIDUCIAIRES SANS VALEUR
Mesurer ses avoirs dans une monnaie fiduciaire, qu’il s’agisse de dollars, d’euros ou de livres, est une hérésie absolue. À quoi bon mesurer sa richesse dans une monnaie qui, en termes réels, a perdu 98% depuis 1971 et de 85% depuis 2000 ? Cela peut être gratifiant pendant un moment, mais vous vous apercevrez très vite que ces gains ne sont que des profits papier qui non seulement ne valent rien, mais qui s’évaporeront totalement au cours des prochaines années lorsque les actions et la monnaie papier imploseront simultanément.
Ne croyez pas une seconde que les actifs que vous possédez, qu’il s’agisse d’actions, d’obligations ou d’immobilier, valent vraiment les milliers ou les millions qu’on leur attribue en fausse monnaie.
Lors de la destruction de la richesse à venir, les investisseurs réaliseront que leurs actifs ne valent qu’une fraction de la valeur imaginaire qu’ils ont aujourd’hui.
Les banques centrales ne sauveront pas le monde, elles en sont incapables. Comment pourrait-on résoudre un problème d’endettement avec davantage de dettes sans valeur ou comment pourrait-on créer de la richesse en émettant de nouvelles dettes ? Ce système de Ponzi est condamné à l’échec depuis longtemps.
Au cours des prochaines années, l’or (et l’argent) physique révélera la totale illusion sur laquelle le système financier a reposé. Les investisseurs qui ne bénéficient pas d’une bonne protection devraient en tenir compte.
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